jeudi 1 juin 2017

Le livre que je ne voulais pas écrire - Erwan Larher (Quidam éditeur)

I read a book today, oh boy !

De l'avantage d'être un happy few. Je fais partie des quelques chanceux qui auront reçu  Le livre que je ne voulais pas écrire  d'Erwan Larher en primeur, il sort pour la rentrée littéraire. C'est un bouleversement. Ce serait mentir de dire que c'est un des livres importants de la rentrée car ce serait réducteur : c'est un livre important. Point. Important tout court.
Je me suis toujours foutu des histoires. Les récits et les suspenses, ce n'est pas mon truc. Les thèmes, les sujets, je m'en contrefous.
Il se trouve que, là, dans un premier temps, je ne peux faire l'impasse. Ado, Erwan Larher découvre le rock, la littérature.
Son amour du rock le mènera au Bataclan un terrible soir de novembre 2015. Il sera blessé par balle.
Son amour de la littérature, lui, le mènera à ce livre, ce grand livre qu'il ne voulait pas écrire. Mais qu'il fallait écrire. Il ne s'agit pas d'un « récit de vie », d'un témoignage, d'un « Bataclan comme vous ne l'avez jamais vu ». Non, oubliez, mettez de côtés vos appréhensions, vos réticences. Il s'agit de littérature. Il s'agit d'un écrivain. D'un vrai, avec toute sa conscience d'écrivain face à l'écriture et donc avec toute sa JUSTESSE. Erwan Larher aborde l'inabordable avec une intelligence incroyable, à juste distance de tout. Il ne fait pas un livre « sur », mais réussit un livre « autour ». Autour de lui, là, là où il ne fallait pas être. Comment il s'est retrouvé là : la découverte du rock, les rencontres, les coïncidences, les mouvements. Ce qui se passe autour de lui, là : avant, pendant, après. Ce qui se passe en lui : le corps, l'esprit. Ce qui se passe autour de lui ailleurs : les amis, les amies, la famille. Comment il en est, s'en est sorti. Et la suite, l’hôpital, la vie, le corps, l'espoir, l'amour.
Il est clair que cela vous happe, vous prend, ne vous lâche pas. Mais si cela vous prend, vous happe, ne vous lâche pas, ce n'est pas à cause du sujet. Ce sujet, n'est pas un sujet possible. Il ne devrait pas être possible à traiter. Ce devrait être trop difficile, trop complexe, trop de pathos possible, d'affects, de maladresses inévitables. Larher évite tous les pièges. Il a évité la mort de si peu, alors, un piège d'écrivaillon, vous pensez... Il est juste, juste juste. Il aime et connaît la littérature. Les formes connues, ces saletés de suspenses manipulateurs, ces descriptions tire-larmes n'ont pas leur place ici, on ne joue pas avec ça, pas là. Il crée donc un objet littéraire adapté, il fabrique, construit, bricole. Le bon, le seul verbe juste serait "Poiën". Il crée sa forme, la forme idéale, celle qui contient & qui est le propos. Il s'agit totalement de littérature, cet art difficile du « comment dire » qui est à l’œuvre. Imposée par le « comment dire ça ». Il sait qu'un travelling est affaire de morale. Ici, ce ne sont pas juste des mots, mais ce sont des mots, les mots justes. Tel choix de pronom, son évolution. La construction qui nous éloigne pour mieux nous rapprocher de lui grâce à des vipères, à une  évidence qu'on ne met pas à distance. L'apport de textes extérieurs également, car s'il est au centre, Larher ne cesse de rayonner, d'ouvrir sur l'autre, les autres, victimes, bourreaux, proches, amantes, pompiers, personnel hospitalier. C'est un livre ouvert, irradiant la vie, l'espoir et l'amour comme on ne peut l'exprimer qu'après avoir côtoyé la mort. C'est surtout un putain de bon livre les amis. Un putain de bon livre comme vous en lirez peu. Il vient vers vous. Il va venir à vous. Il arrive. Il vous ouvre les bras. N'ayez pas peur, c'est un bon livre mais aussi un livre bon, c'est notre livre. On en avait besoin. C'était impossible, il l'a réussi. Pour lui, pour eux, pour nous. On n'est pas seulement admiratif, mais reconnaissant. Mahmoud Darwich expliquait que les Troyens avaient perdu contre les Grecs, non pas pour des raisons militaires, mais parce qu'ils n'avaient pas de poètes pour raconter, eux. Ceux qui ont essayé de répandre la terreur ont perdu ce jour là. Ils ont, hélas, arrêté des vies, mais ils ont perdu, car eux, forces obscures, n'auront jamais ce poète pour partager cela ainsi.Nous si.
Il n'a pas que l'amour qui soit ici une évidence, il y a ce livre. Il est, comme toutes les grandes œuvres, évident.


 Le livre que je ne voulais pas écrire - Erwan Larher (Quidam éditeur)  - Sortie le 24/08/2017


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