lundi 17 octobre 2011

Du livre de chiottes comme genre noble (+ teaser)


S'intéresser à la littérature, ce n'est pas seulement prendre en compte le livre, cela, la poésie sonore nous le rappelle depuis 50 ans, en instituant la littérature debout, face à ses destinataires. S'intéresser à la littérature avant tout, tous genres confondus, c'est s'intéresser à l'écriture (porte ouverte défoncée).
& l'écriture ne peut être envisagée sérieusement sans réfléchir à sa réception : lecture ou restitution publique.
Il faut réfléchir aux conditions de réception d'un texte lorsqu'on le produit car communiquer, ce n'est pas qu'émettre, et écrire de la littérature demande de réfléchir au canal, au bruit, à la destination & à la réception.

Parlons lecture.
On peut lire au chaud dans son lit, assis dans un fauteuil, allongé sur une serviette de plage, avachi sur un transat. Voilà.
Nous venons de présenter la raison pour laquelle la littérature s'est retrécie sur une forme, le livre et un genre, le roman.

Quand, soudain, le corps frappe à la porte de la littérature, pressé comme pas deux : il est un lieu où une bibliothèque différente peut prendre place : les chiottes.

Le chiotte (oui, singulier pluriel) a sa propre littérature, une sélection implacable induite par le lieu : une littérature adaptée à la littérature fragmentée, loin du roman au long cours.
S'installent alors : Poésie de tous siècles, dictionnaires de tout et de rien, petits strips de BD, guides, manuels, almanachs, Pensées (Pascal inclus), revues poétiques, etc.

Le livre de chiottes doit pouvoir être ouvert à n'importe quelle page, arrêté en route, repris plus tard.
Au lit la narration narrative en forme longue, romans et nouvelles !
"Aux chiottes, la poésie !" indiquait BoXoN sur les murs de la Galerie Meyer à Marseille, après avoir remplacé la porte des lieux par des rubans de chantier . Attention travaux. En effet, oui, le recueil tient là où le roman s'effondre. La poésie doit investir ces lieux, sa place forte naturelle.
Au diable, les afféteries et les chichis, la poésie peut tenir le siège : le fait d'y déféquer s'affecte en rien la qualité de la littérature qu'on y lit. Pas plus qu'un lit ferait d'un roman un somnifère ou qu'un transat une crème solaire.

Il faut ainsi penser les livres. Personnellement, je pense que mon "Pas Billy the kid", comme "Le Zaroff" y ont toute leur place, bien plus que coincés dans une belle bibliothèque d'un salon cosy. Ils peuvent y être lus par bribes, après (ou avant) la lecture linéaire complète. Telle est l'idée forte de la notion de recueil : une double lecture possible, complète ou fragmentaire ; linéaire ou aléatoire.

Voici une liste de 20 "livres de chiottes" parfaits, poétiques ou non, littéraires ou pas :

Alcools, Apollinaire
Poésies, Rimbaud
Œuvres poétiques, Tarkos
Pièces détachées, anthologie choisie par JM Espitallier
Toute l’œuvre de Nicolas Tardy, parfaite.
Dictionnaire des idées reçues, Flaubert
Maurice et Patapon, Charb
Manuel de civilité pour les petites filles à l'usage des maisons d'éducation, Louÿs
Nouvelles en trois lignes, Fénéon
Dictionnaire du pire, Legrand
L'almanach Vassiliou
Le cantode du Lobelisque, André Martel
Coupe Carotte, Lucien Suel
Guide des films, Tulard
Lettres de non-motivation, Prévieux
13427 poèmes métaphysiques, Blaine
Brèves de comptoir, Gourio
La vie de poète, Dumoulin
Manuel de survie, Piven & Borgenicht
Godard par Godard


Une maison d'édition ? L'attente
Revues ? Ouste, BoXoN, Tina

Vous pouvez, dans les commentaires, faire vos suggestions pour agrandir nos bibliothèques.

Enfin, ce post est l'occasion idéale, pour vous annoncer que, le 7 décembre, sort mon nouveau livre composé de 500 mini textes tenant dans un 10x15 de 120 pages environ. Avant ou après Noël, vous saurez où le mettre, il y aura sa place, comme un bordeaux dans un verre à Bordeaux, un champagne dans une flûte, j'espère que ces microfilms, chez vous trôneront...



Voilà les 4 premiers, en teaser :

La dégelée
Congelé à sa naissance par sa mère qui niait sa
grossesse, Jean-Pierre revient à la vie quarante ans
plus tard. Toutefois, il va rapidement être complexé
par son prénom, un peu passé de mode.

Trottons, ma tatie !
Accusée d’avoir violé le postier, Yvette joue de sa
vague ressemblance avec Michel Drucker pour
attendrir le jury par ses petites mines. Son neveu
Manolo, un être mi-nain mi-poney, va tout mettre
en oeuvre pour sortir sa « Tatyvette » de ce mauvais
pas…

Gipsychose
À la suite d’un stupide accident domestique qui le
laisse brûlé au troisième degré, Ronald, un laveur
de pare-brise roumain de 13 ans, développe
d’étranges dons de voyance. En serrant la main de
Bruce Hortefire, un flash poilant le traverse : il voit
son imminente reconduite à la frontière traitée sur
le mode auvergno-comique.

Donne la papatte
Que d’émotions dans ce film retraçant la rencontre,
entre chien et loup, entre Frédéric Lefebvre et
un chien-loup.

mercredi 5 octobre 2011

Le crevard céleste


Il ne restera rien de lui.
L'homme va crever, on va le pendre.
C'est un crevard, un pauvre écrivain sans le sou, qui n'a plus qu'une chose, des dettes, des ardoises dans les bars, les cafés. Cet homme des tavernes le sait, il ne laissera rien, il n'en restera rien.
Il fait par conséquent la seule chose à faire : son testament.

Puis il s'éclipse, disparaît, pouf, le magique dragon, on perd sa trace.
Plus de trace derrière cette trace, ce testament.
Ainsi vécut, disparut, apparut François Villon.


Et là, Vlan, on nous sort le remake ce mois-ci chez LaureLi, Villon II, le retour. Il est back in town et il n'est pas content l'highlander, il a soif, de vengeance et de binouzes.

Mais ce Villon II est malin, ce n'est pas de la fripouille rance à la Jacquouille, il revient du moyen-âge à la page équipé comme il faut, tout refait, et bien fait. Cave & grenier.

Son nouveau nom ? Manon Christophe.
Son nouveau livre ? Le testament, pardi.
Et c'est parti...

Oh puis ,non, il nous faut partir sec.
et s'imbiber avec.
Gouleyer encore un gorgeon avant de s'y attaquer, s'imbiber goulûment, s'en jeter
un
deux
un, deux, trois


Bien sais, se j'eusse étudié
Ou temps de ma jeunesse folle,
Et a bonnes mœurs dedié,
J'eusse maison et couche molle.
Mais quoi? je fuyoie l'école,
Comme fait le mauvais enfant.
En écrivant cette parole
A peu que le cœur ne me fend.
Le dit du Sage trop le fis
Favorable, (bien en puis mais!)
Qui dit: "Ejouis toi, mon fils,
En ton adolescence." Mais
Ailleurs sert bien d'un autre mets,
Car "jeunesse et adolescence",
C'est son parler, ne moins ne mais,
"Ne sont qu'abus et ignorance."
"Mes jours s'en sont allés errant
Comme, dit Job, d'une touaille
Font les filets, quand tisserand
En son poing tient ardente paille."
Lors, s'il y a nul bout qui saille,
Soudainement il le ravit.
Si ne crains plus que rien m'assaille.
Car a la mort tout s'assouvit.
chez Villon, devient Manon :

Certes, si j'avais étudié quand j'étais jeune
et si j'avais été plus raisonnable
j'aurais maintenant un bel appartement
et un lien bien douillet
mais je préférais courir les filles
et boire des coups

mes jours sont partis en fumée
exactement comme dit la chanson
telle une clope qu'on allume
et que voilà déjà consumée :
il ne reste bientôt plus qu'un mégot

je n'ai donc plus rien à craindre
la mort viendra sans tarder tout liquider


Et nous voilà bien. L'affaire est belle. Nous retrouvons Villon, ses tavernes, clins d'yeux et blagounettes privées, nous retrouvons sa vigueur vitale insufflant à la mort plus de vie que de lamentations chouinardes.
Pour le même prix, Manon nous offre, en plus,
Manon, mais pas en bonus,
en double bien senti, recollant sur les beuveries finales du poète pré-pendouillé notre jeunesse enfuie, partie dans le vent, fondue comme neige, gerbée comme un moine trappiste de Jeanlain, en 1664.
Manon traduit
mais pas only,
il rajoute sa sauce. Il actualise, certes, lexique et références mais il est bien malin et s'attaque au vers villonesque pour le démonter, lui arracher son beau rythme médiéval impossible à imiter sans tomber dans la vieillerie, sans vouloir imiter le père François. Par conséquent, il prosifie le vers, le manonise sauce Manon, en fait sa chose, domptée en bête indomptable, éprise de la liberté du scélérat.
Sans compter que l'édition est belle, incluant un bon vieux Pastiche 51 que Manon m'avait servi, on the rocks, du temps de nos jeunesses, dans mon TAPIN où boxon tenions notre état. Tout ça sous une couverture parfaite de Vincent Sardon, avec des squelettes, ce qui, vous le savez, ne peut que me seoir.
Et pointe alors l'envie irrépressible de sortir, corde au cou, dans la nuit s'en jeter un dernier, avant la route, avec Vincent, François, Christophe, et les autres...

C'est tout vu : août-septembre 2011


It's been a while, ça fait un bail, crocodaïle.
Mais mieux
vaut un post
short
comme un mini-short
que pas de post
du tout,
ce ne serait pas décent.

Alors, pour résumer la situation :
1) "Fleur pâle" de Shinoda, c'est bon comme du Melville, en japonais. Vous aimez le whisky, vous avez goûté les Nikka ? Voilà. C'est le film nouvelle vague, version Nikka. From the barrel, 52°
2) "Funny people" est bien mieux que je ne pouvais l'imaginer. Le top d'Apatow qui me convainc enfin comme réalisateur.
3) Le Guiraudie vu n'était pas à la hauteur des espérances levées par "Le roi de l'évasion"
4) Ophuls, c'est quand même un peu du Von Sternberg corseté à mort, cadré carré sur un système, bien foutu mais sans la folie furieuse du père Joseph.
5) Sturges (Preston) a une patte extrêmement personnelle dans la comédie ricaine, où la screwball la plus folle se frotte au réel le plus noir. Excellent.
6) Ermanno Olmi : Je t'aime. Même dans un film à sketch rapide.
7) Chabrol a des biches presque bergmaniennes. Un des meilleurs chacha vus.
8) Ne jamais oublier que René Clair fut très grand à ses débuts, aventurier fou, compagnon dada. On aura toujours trop tendance à suivre les avis de nos amis jeunes turcs des années 60 face à ses vieilleries pour le juger trop vite.
9) Dans la série "j'ai testé pour vous les films de Jerry Lewis à mes risques et périls", Cinderfella (Cendrillon aux grands pieds") de Tashlin fait partie des vraies bonnes surprises de sa filmo.
10) Avec "Fleur pâle", l'autre grand film vus ces deux derniers mois est cet incroyable "Naufragés de l'île de la Tortue" qui, même s'il se délite un peu vers la fin, contient d’extraordinaires moments de cinéma, des plans incroyables et une liberté rare.
11) pour Welles, Allen, Rohmer, etc, je me contenterai des notes ci dessous.




AOUT


Agora - Amenabar - ***
Délire express - D. Gordon Green - **+
Fleur pâle - ***** (chef d'oeuvre)
Sullivan's travel - Preston Sturges - *****
Pas de pitié pour les braves - Guiraudie - ***
La ronde - Ophuls - ***+
Le rêve de Cassandre -Allen - *****
La femme de l'aviateur - Rohmer - ****+
Invasion Los Angeles (They live) - ****+ - Carpenter


Septembre

Macbeth - Welles - *****
Funny People - Apatow - *****
Entr'acte - Clair - *****
Cendrillon aux grands pieds (Cinderfella)- Tashlin- ****
Le plaisir - Ophuls - ***+
The Lady Eve (Un cœur pris au piège) - Preston Sturges - ****+
Ce plaisir qu'on dit charnel - Nichols - ***+
Pravda - Godard (& Roger) - ****
Les mains en l'air - Goupil - ***+
Tickets - Olmi/Kiarostami/Loach - ****+ (5*/3*+/4*+)
Les Biches - Chabrol - *****
Les naufragés de l'île de la tortue - Rozier - ***** (chef d’œuvre)

L'espion qui m'aimait (the spy who loved me) - Gilbert - **+