Entre ActOral et les cafés littéraires, la semaine passée fut riche en lectures de tous poils.
Poils ras (rasoir passé), poils loooooongs (une heure de romancière ar-ti-cu-lant bien, c'est rude), poil soyeux (Patrice Luchet), poils électriques (Suel), poils neufs (Sorman, très bien).
Commençons par la part de surprise. Une lecture au poil.
Elle avait lieu dans une caravelle, pleine, l'auteur, Arno Bertina, en stewart de luxe, arpentant l'allée centrale. Il s' attaque au texte, en précisant qu'il est habituellement lu à deux voix. On se dit alors que le monsieur à tort. Tort de tordre un dispositif, tort de lire seul un texte pour deux. Un dispositif, ça s'écrit.
Puis on écoute. Un simple aller-retour de quelques pas distingue les deux voix, une lecture posée/ une lecture hélée. Et là, plus de doute. C'est bon ainsi, seul.
La lecture est belle, simple et surtout pensée et écrite. On se rejoint. Le texte est nickel. Ecrit à partir de photographies de Ludovic Michaux, là aussi habituellement projetées, le texte se suffit à lui-même : la projection serait, on le devine, redondante.
Le constat est clair, Pat est d'accord, "on" a plus de liens avec cette littérature là, venue du roman (pas de n'importe où non plus, chez Verticales, entre autres) qu'avec certains collègues du front, même talentueux.
Je me suis pris le livre, l'imprimé. Mais j'hésite à l'ouvrir, peur que l'écrit reste et envole les paroles.
J'en prendrai d'autres.
La lecture double, de Lucien Suel et Patrice Luchet fut un régal.
Patrice est incroyable. Il y a chez lui une furieuse folie dans la prise de risque. Extrêmement construite, sa perf débute par des excuses : il dit ne pas être lui-même, mais son frère, venu le remplacer au pied levé pour lire ses textes. Il tiendra la distance juqu'au bout, commentant ses textes, les critiquant, il enchaine sur de nombreuses fausses lectures (ses carnets sont vides), tentant de lancer un chœur dans le public. Un vrai numéro de funambulisme littéraire créant cette même empathie/sympathie avec le public que l'acrobate couillonnant sur son fil.
La littérature comme une mise en danger, comme une sculpture sociale. Très fort.
Inviter Lucien était mon petit plaisir. Ne l'ayant pas vu lire depuis 10 ans, c'était l'occasion de revoir tout ce que j'aime. Un texte très amusant et bigrement bien construit sur les tournures interro-négatives, des aphorismes débiles, un extrait de "nous ne sommes pas mort" et son célèbre "Pattismit" que je n'avais jamais pu entendre.
Profitons de l'occase pour recommander, une fois encore, La mort d'un jardinier, texte aussi fulgurant qu'une crise cardiaque, en plus joyeux.
Riche semaine.
Une lecture du "pattismit" à Beauvais.
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